Bonheur d’occasion: comment rendre belle même la misère
Si vous êtes allés au secondaire en français, vous avez probablement déjà lu du Gabrielle Roy. Moi aussi. Je trouvais ça bien joli, mais un peu lourd. Trop poétique et empreint de misère. Mais justement, ce n’étaient que des extraits. Il faut le contexte pour comprendre pourquoi l’auteure est une lecture obligatoire dans toutes les écoles.
Florentine est une jeune adulte pauvre qui vit dans le quartier Saint-Henri, à Montréal, au tout début de la de la Deuxième Guerre mondiale. Elle est frêle et fragile, mais bouillonnante à l’intérieur (un peu comme moi). Et puis, elle rencontre Jean.
Jean est du type plus aristocrate. Il s’habille bien, il a un air hautain, et il fait passer ses études en mathématiques avant son équilibre mental. Quand il croise le chemin de Florentine, il fait tout pour la déstabiliser en jouant tour à tour le séducteur puis l’indifférent. Pour une raison malheureusement compréhensible, Florentine tombe amoureuse de lui.
Gros tourments d’adolescents amoureux. Elle le voit dans sa soupe, son indifférence lui mine sa confiance en soi jusqu’au désespoir, et Jean continue à la fréquenter surtout par pitié.
Pendant ce temps, la famille de Florentine s’enfonce de plus en plus profondément dans la misère. La mère, une petite femme grosse et fatiguée, va accoucher de son dixième bébé (ou environ), alors qu’ils ont à peine assez d’argent pour se nourrir. Le père, complètement déconnecté de la réalité, perd un à un ses petits boulots et rêve de se partir une entreprise,
C’est donc une histoire de misère noire au tout début de la guerre et dans l’hiver cruel de Montréal. Mais malgré tout, Gabrielle Roy réussit à rendre ça beau. Son écriture, phénoménale, nous fait ressentir le froid mordant, les tourments de Florentine. Il n’y a ni blanc ni noir; on comprend que même Jean, qu’on serait en droit d’haïr, est dans le même bateau que tous les autres. On se sent éreintés à la place de la mère de Florentine, et on compte avec elle ses derniers sous…
C’est mon genre de lecture. Contemplative, belle, dramatique, jeune. Mais ne vous attendez à aucun suspense ou rebondissement. Parce que la vie, parfois, s’écoule lentement, et que les événements tout comme les émotions ont besoin de temps pour prendre place.
Gabrielle Roy
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