Science-fiction,  Se distraire

The Left Hand of Darkness

L’année dernière, Penguin Books soulignait les 50 ans du Left Hand of Darkness d’Ursula K. Le Guin avec une nouvelle édition. Si les propos du roman sur le concept de genre sont encore inhabituels aujourd’hui, en 1969, ils étaient tout à fait révolutionnaires. Rarement a-t-on l’occasion d’apprécier une oeuvre d’art qui pousse si loin l’idée d’une société où les préjugés basés sur le sexe n’existent pas.

Sur une planète lointaine appelée Winter, les individus ne sont pas sexués. Pendant 18 jours par cycle de 26 ou 28 jours, ils sont complètement androgynes et n’ont aucun appétit sexuel. Puis, pendant 2 à 5 jours, ils sont en kemmer, et très stimulés sexuellement. Ils se mettent en paire, et un des deux deviendra la femme ou l’homme, de manière aléatoire, et l’autre s’adaptera en conséquence en adoptant le sexe opposé. La femme peut tomber enceinte. Puis ils reviennent à leur état normal, non sexué. C’est cette planète que Genly Ai, humain doté d’un sexe masculin de manière permanente, est chargé de persuader à s’intégrer à une sorte d’union de planètes, semblable à la Fédération de Star Trek.

Imaginez, dans ce monde, personne n’est plus ou moins propice que les autres à avoir des enfants. Il n’y a aucun viol. L’humanité n’est pas divisée en deux. Pour moi, ça m’a l’air merveilleux. Mais c’est un concept si étranger à notre réalité qu’il est choquant, comment l’exprime assez brusquement cet explorateur étranger dans le livre :

A man wants his virility regarded, a woman wants her femininity appreciated, however indirect and subtle the indications of regard and appreciation. On Winter they will not exist. One is respected and judged only as a human being. It is an appalling experience.

The Left of Darkness, par Ursula K. Le Guin, p. 101

Genly Ai se croit seul dans ce monde plutôt hostile, où il fait constamment froid et où, vu que son appétit sexuel est éveillé en tout temps, il est considéré comme un pervers. Il ne fait confiance à personne, et surtout pas à Estraven, le premier ministre de Karhide. Mais c’est, littéralement, un malentendu. Estraven se dévouera corps et âme à sa cause, et pendant longtemps, ils n’auront que leur amitié pour les garder en vie.

Impressions

J’avoue qu’au début, j’étais un peu perdue, comme si je commençais une trilogie par le deuxième tome. Je ne connaissais pas les personnages alors que j’avais l’impression de devoir les connaître; le monde était étrange, hostile, et j’avais l’impression de devoir m’y débrouiller, y survivre. Il y avait des mots étrangers, propre au monde dans lequel je me retrouvais plongée, qui n’étaient pas expliqués, ou si peu.

Et puis je me suis dit, tiens, je me sens comme le personnage, l’étranger qui arrive seul sur une nouvelle planète. Intéressant, ça.

Et puis, tranquillement, à travers cette couche glacée et inhospitalière, la lumière commence à percer. Genly Ai et Estraven se lancent dans une vaste expédition sur une vaste plaine de glace, et à travers toute leur misère, la faim qui les tenaille, le froid pénétrant, la solitude et la mort qui les guette, leur amitié se développe. Comme la postface l’explique brillamment, le titre du roman vient d’un proverbe de cette planète, qui, comme le principe du Yin et du Yang, explique que la lumière et la noirceur viennent main dans la main. Et c’est vrai que c’est dans les épisodes le plus sombres du roman que la lumière de l’amitié, de l’espoir et de la solidarité brillent le plus fort.

Ursula K. Le Guin est une auteure renommée dans le genre de la science-fiction. Elle écrit avec une finesse peu commune. Cette longue expédition, quand elle a été annoncée, m’a un peu découragée. Je me demandais vraiment comme elle réussirait à la rendre intéressante. Eh bien, je vous dis, c’est la meilleure partie du livre. Les points de vue qui alternent, les anciens mythes qui y sont dispersés, les pensées et les émotions de deux personnes si différentes qui tentent de survivre, jour après jour, en font un épisode d’une richesse peu commune. Avec des merveilles de phrases comme celle-ci :

Under certain conditions our exhalations freezing instantly made a tiny cracking noise, like distant fire-crackers, and a show of crystals: each breath a snowstorm.

– The Left of Darkness, par Ursula K. Le Guin, p. 262

Comme le dit la postface encore (je pense que c’est la première fois de ma vie que 1-je lis la postface et que 2-je trippe dessus), une grande partie de la valeur d’une histoire de science-fiction comme celle-ci est qu’elle permet d’imaginer comment ce serait si les choses étaient vraiment différentes. Et ensuite, quand on revient dans le monde «réel», on apporte avec soi le sentiment qu’on peut choisir notre propre réalité, et que c’est à nous de remodeler le monde.

Pour en savoir plus sur l’auteure, visitez son site web. Il est si joli qu’il en vaut le détour.