Se distraire

La Moustache, de Emmanuel Carrère

Je ne m’attendais pas à quelque chose de débile comme ça. J’avais entendu dire que c’était drôle, mais je n’avais pas compris que c’était aussi malaisant et troublant et complètement cinglé. Seriez-vous plus du genre à rire de délice ou à fuir, écoeurés?

Résumé

Le narrateur se rase tous les jours. Il aime garder sa moustache bien nette. Un jour, il demande à sa femme : “Est-ce que tu penses que tu m’aimerais sans moustache?” Elle répond : “Je ne sais pas, je t’ai toujours connu sans. Mais ça pourrait être joli, oui.”

Il décide alors de la surprendre, et lors de sa séance de rasage quotidienne, il rase sa moustache. Il attend la réaction de sa femme. Mais celle-ci ne vient jamais. Elle ne fait aucun commentaire, ne démontre aucun signe de surprise, absolument rien. Déboussolé, il refuse toutefois de pointer l’évidence. Elle doit faire une blague, une drôle de blague, mais elle finira par céder. Mais lors d’un souper avec de vieux amis, encore une fois, personne ne souligne le changement drastique sur son visage. Pire: sa femme insiste sur le fait qu’il n’a jamais eu de moustache.

D’un acte banal, on dégringole alors rapidement vers la paranoïa… et la folie.

Impressions

Certaines personnes n’ont pas aimé le livre, parce que la fin ne conclut rien et que le livre ne fait aucun sens. Moi, je trouve que c’est sa force.

J’ai trouvé fascinant à quel point on passait d’un événement si banal à un malaise aussi grand, et ce, si graduellement. On ne se doute jamais à quel point ça peut mal tourner, à quel point la prochaine étape sera tordue, on comprend les gestes du narrateur et, comme lui, on est complètement désarçonnés par la réaction du monde autour de lui. On ne comprend rien, et lui non plus. Et quand la goutte finale vient faire déborder le vase, on comprend pourquoi le narrateur fait ce qu’il fait.

Ce n’est pas un roman très profond, mais c’est certainement un roman qui suscite des émotions plutôt intenses, et on ne peut nier qu’Emmanuel Carrère écrit bien. (Enfin, oui, sûrement qu’on peut le nier, mais je ne suis pas d’accord.) Ce sont des petites montagnes russes dans un livre somme tout court et facilement digérable. Emmanuel Carrère est un auteur reconnu et encensé, et comme premier contact, je trouve que La Moustache est parfait.