Littérature québécoise,  Se distraire

Là où je me terre

Je vous mets au défi de trouver une critique négative, ou même tiède, de Là où je me terre. J’ai cherché, j’en ai pas trouvé. Un peu comme Kukum, c’est un no brainer : vous pouvez le recommander à pas mal n’importe qui sans prendre de risque. Ou en tout cas, si la personne trouve ça plate, il est fort probable qu’elle n’osera pas le dire.

Résumé

Caroline arrive à Montréal à l’âge de 7 ans, le jour de Noël. Ses parents ont pris leur courage à deux mains, fui la dictature de Pinochet au Chili et tenté leur chance au Québec. Caroline raconte son parcours d’immigrante, l’effort de s’intégrer, les moqueries reçues pour ses cheveux noirs et sa peau foncée, la misère du quartier Hochelaga-Maisonneuve où elle a vécu, la résilience de ses parents qui ont réussi à élever le niveau de vie de leurs trois enfants à force de ménages et autres travaux acharnés. Aujourd’hui professeure de sociologie au cégep, elle partage son vécu, banal sur beaucoup de points, mais également extraordinaire pour ceux d’entre nous qui sont nés ici.

Impressions

Je suis comme tout le monde, j’ai aimé ce livre. Il est doux, beau, touchant. J’ai aimé le regard d’une immigrante sur le Montréal que j’ai toujours habité, surtout sur le quartier Hochelaga-Maisonneuve, dans lequel j’ai grandi. L’auteure a réussi à me transmettre son admiration pour sa mère, et pour toutes les femmes qui travaillent si fort pour l’avenir de leurs enfants. Je ne verrai probablement plus jamais les femmes de ménage de la même façon.

Mais je vais être un peu plate : ce livre n’était pas dénué de ce que je considère des clichés littéraires, c’est-à-dire des phrases poétiques, mignonnes, dont le but est clairement, trop clairement, d’émouvoir.

Je n’avais plus de langue maternelle, que des imitations de flasques mélopées. La nuit venue, mon bébé s’est donc endormi des années durant au son lent et méticuleux de l’alphabet, répété autant de fois que nécessaire. Soir après soir, en le berçant sur une vieille chaise en bois glanée dans une vente de garage, je lui ai doucement chanté en français la seule chose que je me suis vraiment appropriée, la chanson de l’alphabet. Des lettres, toutes les lettres, c’est tout ce que j’ai trouvé à lui transmettre pour l’apaiser contre mon sein au fléchissement du jour.

– Là où je me terre, Caroline Dawson, p. 189-190.

C’est beau. Mais comprenez-vous ce que je veux dire par “cliché”?

Je suis consciente que je suis sévère pour ces choses-là, et je suis consciente aussi des émotions qui remontent nécessairement à la surface quand on raconte l’histoire de sa vie. C’est certain qu’on a envie, en tant qu’auteure, de partager cette émotion aux lecteurs, et des phrases comme ça sont un moyen comme un autre. Mais la ligne est mince entre le touchant et le quétaine, et pour ma part, quand un récit d’enfance tombe vers le quétaine, je dois dire que ça me fait un peu décrocher. Et mon soupçon est que même si les gens n’aiment pas, ils ne vont pas oser le critiquer parce qu’après tout, on parle du vécu brut et sincère d’un bel être humain.

Cela dit, beaucoup de gens, la plupart même, adorent ça. Et la plupart du temps, ce livre reste habilement, même pour moi, en équilibre sur la ligne. C’est pour ça que je dis que c’est un no brainer.