Se distraire

Foreverland : On the Divine Tedium of Marriage, de Heather Havrilesky

J’ai une grande nouvelle : j’ai donné naissance à une fille en janvier! 💕

Je suis maintenant maman, et je peux confirmer que les clichés sont fondés; ma vie a complètement changé (il y a maintenant un petit être qui est l’étoile de mon système solaire), l’amour que j’ai pour mon bébé est inégalé et absolument inconditionnel, et elle est une intarissable source de joie.

Depuis janvier, aussi, je lis moins, et je suis plus sélective dans mes lectures, car je dois protéger mon cœur de mère tout pétri d’émotions. Fini, notamment, les foutus romans sur la Deuxième Guerre mondiale, ou n’importe quoi où les gens souffrent. Et comme je ne suis plus jamais devant mon ordinateur, je suis encore plus sélective par rapport à ce que je décide de recenser ici.

Je ne vous parlerai donc pas de Inkheart, de Cornelia Funke, un livre jeunesse à la prémisse fort intéressante (une jeune fille découvre que son père a le pouvoir de sortir des personnages de livre de leur monde et de les faire apparaître dans le nôtre), mais qui s’étire incroyablement en longueur. Je ne vous parlerai pas non plus de Beloved, de Toni Morrison, qui débute par l’enterrement d’un bébé de deux ans (mon petit cœur s’est écrié “Next!”), ni de Dieu, le temps, les hommes et les anges, dont je n’ai non seulement pas compris le but, mais qui m’a traumatisée avec une scène où une mère et son nourrisson se font tuer par un nazi. Je ne parlerai même pas du Joueur d’échecs de Stefan Zweig, même si je l’ai aimé et que je pense que vous l’aimeriez aussi.

Par contre, j’ai très envie de vous parler de Foreverland, de Heather Havrilesky. Il est arrivé dans ma vie pile à temps, et même si je l’ai fini il y a des semaines, il me trotte encore dans la tête tant il m’a touchée.

Résumé

Peut-être que vous connaissez l’auteure pour sa colonne “Ask Polly”, dans laquelle elle donne des conseils à ceux qui le veulent bien (des exemples ici). Elle a l’habitude de faire comme si elle était une référence sur comment bien vivre, alors que, disons-le, elle n’est pas plus qualifiée qu’une autre. Dans Foreverland, toutefois, elle découvre avec nous la vie de femme mariée avec des enfant comme si elle le vivait pour la première fois, de sa rencontre avec son mari jusquà son récapitulatif de leur relation, près de 15 ans plus tard. Le tout avec une honnêteté et un humour désarmants.

Impressions

Je ne suis pas mariée. Mais après presque sept ans avec le même gars, et avec un bébé par-dessus le marché, je me sens plus justifiée de dire que je fais partie de cette gang-là : cette gang de vraies adultes, qui ont des responsabilités et qui doivent bien faire semblant qu’elles savent ce qu’elles font. Alors pour moi, ce livre tombait à point.

Je ne sais pas comment je traduirais le titre, mais j’adore cette formulation :  “Divine Tedium”. Rester longtemps avec quelqu’un, c’est fabuleux : on se connaît comme personne, on n’a plus constamment peur de déplaire, on peut s’établir, faire des projets. Mais c’est aussi parfois répétitif, ennuyant, et frustrant. Havrilesky parle de son mari d’ailleurs intelligent, sexy et attentionné en des termes souvent assez durs : elle le compare notamment à un tas de linge sale (malodorant, inutile et à peine conscient) avant son café; elle décrit sa demande en mariage comme un des moments où elle l’aimait le moins de sa vie; elle avoue trouver son travail complètement sans intérêt; et décrit ses bruits corporels sans scrupules. Même les meilleurs d’entre nous ont des défauts, n’est-ce pas.

Mais ce qui est surtout venu me chercher, c’est le récit de la naissance de sa première fille. Son mari, qui avait déjà un enfant, l’avait assurée qu’un bébé, c’est super, et qu’ils allaient avoir beaucoup de plaisir. Et elle s’aperçoit que c’est vrai, malgré tous les inconvénients qu’on peut s’imaginer.

C’est ce que j’ai aimé avec ce livre : il est imagé, mais pas romancé. Parfois, on déteste l’homme de sa vie. Parfois, on décide de faire un enfant même si on sait que ça vient avec une grossesse potentiellement très pénible, un accouchement qui peut ressembler à de la torture, et des heures et des heures de cris, souvent en pleine nuit. Parfois, on est obligés de faire faire son caca à sa fille dans un sac en plastique, dans l’auto, et ça finit par être le meilleur moment du voyage (j’ai adoré cette scène). Parfois, notre meilleur ami est aussi la personne qui nous tape le plus sur les nerfs.

Si on veut le bon, il faut accepter le mauvais. À nous de décider si ça vaut la peine. Clairement, Havrilesky a décidé que oui, et moi aussi.