Courts textes,  Se distraire

Le K ne se prononce pas

Plus je lis des nouvelles, plus je suis éblouie par leur beauté et leur puissance. J’ai redécouvert ce genre littéraire dans la dernière année, et le plaisir qu’il me procure est vraiment particulier. Ces textes sont des concentrés d’émotions, et ils sont si finement travaillés qu’on ne peut jamais tout à fait savoir à quoi s’attendre.

C’est ce qui m’a poussée à lire Le K ne se prononce pas, de Souvankham Thammavongsa. Le thème de ce recueil, les immigrants lao dans le monde occidental, m’a intrigué. Et moi qui aime m’exalter sur la manière dont un texte est écrit, j’ai eu amplement matière à le faire.

Résumé

Les héros et héroïnes sont tous différents : un enfant qui s’obstine à prononcer le “k” du mot “knife”, une femme qui travaille dans un abattoir, une mère de famille qui a un vrai don pour ramasser des vers de terre dans les champs, un homme qui quitte la boxe pour aider sa soeur dans son salon de manucure. Ils ne se connaissent pas, mais ils sont tous liés : ce sont des immigrants du Laos, des travailleurs essentiels, égarés dans un monde qui leur reste étranger. Malgré les innombrables difficultés qu’ils rencontrent, le racisme et les préjugés, ils s’accrochent férocement à la vie.

Impressions

L’auteure, née dans un camp de réfugiés laotien en Thaïlande, n’a elle-même jamais mis les pays au Laos. Comme elle le dit : “Le Laos est souvent réduit à une note de bas de page de la guerre du Vietnam.” D’ailleurs, au cas où vous ne vous rappelleriez plus comment le situer sur une carte, voici :

TUBS, CC BY-SA 3.0 https://creativecommons.org/licenses/by-sa/3.0, via Wikimedia Commons

Si on ne connaît rien ou presque de ce pays, ce livre nous permet du moins de plonger dans la réalité de ceux qui en viennent.

Souvent, on essaie de susciter de l’empathie chez les gens en attirant leur attention avec vigueur et en secouant leurs sentiments le plus fort possible. Mais parfois, nul besoin de grandes envolées littéraires ou de grands dénouements bouleversants. L’écriture de l’auteure est simple, fine et honnête, et grâce à elle, j’avais l’impression de rentrer dans la tête des personnages. Je ne comprenais pas tout, je ne savais pas exactement où ils étaient, je ne connaissais pas leur histoire, et c’était voulu. L’auteure voulait que les lecteurs soient tout aussi perdus et déplacés qu’eux. J’étais doucement touchée.

Je sais que je n’atteindrai jamais une pleine compréhension de la réalité de ces immigrants, mais je crois que c’est en lisant ce genre de textes que je pourrai le plus m’en rapprocher.

Ce livre a remporté le prix Giller 2020 et a été sacré l’un des 100 meilleurs titres de 2020 par Time Magazine. Ce n’est pas pour rien.

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