Classiques,  Se distraire

La vie devant soi

Je sais, c’est un incontournable. J’ai dû le lire environ quatre fois pendant ma scolarité. À la quatrième, j’étais exaspérée. «Je sais que c’est cute, mais là, il y a des limites», me suis-je dit. Je l’ai quand même relu parce que j’ai une mémoire de poisson rouge quand il s’agit d’histoires. Et j’ai eu ma leçon d’humilité. Ce n’est pas juste cute; c’est merveilleux.

Résumé

Momo est un enfant de pute. À l’âge de trois ans, sa mère l’a confié à Madame Rosa, juive, ancienne pute elle-même, qui gagne sa vie en s’occupant d’enfants dont les mères se défendent avec leurs culs, comme lui. (Notez que j’utilise le mot «pute» parce que c’est le mot employé dans le roman.)

Momo a maintenant dix ans. La vie n’a jamais été facile, mais là ça atteint des sommets. Madame Rosa est de moins en moins capable de monter les six étages vers son appartement. La mère de Momo n’a pas envoyé d’argent depuis des mois. Les mères ne veulent plus confier leur enfant à madame Rosa, elles voient bien qu’elle se dégrade et qu’elle arrive à peine à s’occuper d’elle-même. La vie leur tombe dessus, mais Momo et madame Rosa s’ont l’un l’autre. Jamais ils ne se laisseront tomber.

Impressions

J’étais réticente à lire ce livre de nouveau, et j’ai compris pourquoi : ça m’agace un peu quand des auteurs adultes écrivent comme s’ils étaient un enfant. Souvent, ce n’est pas crédible, et dans le cas de La vie devant soi, ça ne l’est vraiment pas. La syntaxe est tout croche, les mots sont parfois utilisés et prononcés drôlement et c’est très bien fait, mais les réflexions sont bien trop belles et poétiques pour un petit garçon de dix ans. Par exemple :

Monsieur Hamil dit que l’humanité n’est qu’une virgule dans le grand Livre de la vie et quand un vieil homme dit une connerie pareille, je ne vois pas ce que je peux y ajouter. L’humanité n’est pas une virgule parce que quand Madame Rosa me regarde avec ses yeux juifs, elle n’est pas une virgule, c’est même plutôt le grand Livre de la vie tout entier, et je veux pas le voir.

Quand tu lis ça, tu trouves ça beau, tu es ému un peu, mais en même temps tu te dis come on. Voyons donc, personne dit ça, surtout pas à 10 ans.

J’étais donc en grande résistance, jusqu’à ce que mon amoureux, qui est souvent de bon conseil dans ce genre de choses, m’a dit de relaxer. Ok, ce n’est pas nécessairement hyper réaliste, mais ce n’est pas fait pour ça non plus. C’est une oeuvre d’art. Il faut l’apprécier comme telle.

Pour moi, ça a tout changé. Je suis complètement tombée sous le charme. C’est tellement incroyablement beau. J’ai pleuré. J’ai ri. J’étais en admiration complète devant le style d’écriture de Romain Gary (Émile Ajar), qui, pour rappel, a gagné deux fois le prix Goncourt, sous deux noms différents. Le deuxième prix Goncourt, c’était pour La vie devant soi.

Je suis donc très heureuse de l’avoir relu. Cette fois, c’était la bonne. Je vous souhaite également de l’aimer comme il le mérite.