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Roux clair naturel, de Fanie Demeule

Moi aussi, j’ai déjà été rousse.

Comme tout le monde, j’ai eu l’image de la rousse voluptueuse et flamboyante gravée dans le cerveau toute ma vie. Pour la petite blonde que j’étais, c’était un idéal inaccessible : la couleur des cheveux, c’est génétique, ça ne change pas avec l’âge. Jusqu’à ce qu’un jour, je devienne amie avec cette magnifique fille aux cheveux roux acajou, long et bouclés, qui lui descendaient jusqu’au milieu du dos. C’était la beauté incarnée. Pour la première fois de ma vie, je me sentais timide devant une fille. Et quand je lui ai fait l’inévitable compliment sur ses cheveux, ce qu’elle m’a répondu a chamboulé mon système de croyances :

«Merci! Ils sont teints. J’étais blonde avant.»

Et c’est ainsi que j’ai découvert qu’une couleur aussi merveilleuse pouvait être artificielle.

Il va sans dire que quand j’ai entendu parler de Roux clair naturel de Fanie Demeule, je me suis sentie interpellée. Je l’ai lu en deux jours.

Résumé

La narratrice du roman est née avec des cheveux d’un blond vénitien qui lui paraît fade comparé au roux carotte de Fifi Brindacier. Un jour, grâce à la teinture, elle peut enfin avoir les cheveux de ses rêves. Puis, un homme arrive. Cet homme a un fétiche assumé pour les rousses. C’est le coup de foudre. Elle sent que c’est le bon. Il s’approche, il lui prend une mèche de cheveux, il s’extasie. Et, contrairement à mon amie, la narratrice lui répond :

«Merci. C’est ma couleur naturelle.»

Cette petite phrase est le point de départ d’une série de cachotteries qui la tireront toujours plus loin dans l’anxiété, l’obsession et ultimement, dans le plus bas des désespoirs.

Impressions

Je m’attendais à une histoire légère, comme l’est, me disais-je, le choix de se teindre les cheveux de telle ou telle couleur. Au contraire, le roman est traversé d’un suspense étonnant. Impossible de s’arrêter. Les phrases sont courtes, efficaces. La narratrice s’embourbe si loin dans son mensonge qu’on s’inquiète du moment où, inévitablement, tout va tomber. Ou est-ce qu’on espère ce moment? J’alternais entre les deux sentiments. En tout cas, on sent bien que la narratrice est trop fragile pour subir un si grand choc.

J’ai été frappée par la ressemblance avec ce que j’avais moi-même vécu. Cette fascination pour le roux, je la connais, elle m’a fait souffrir aussi. Et ce n’est pas une aventure sans importance que celle de se teindre en roux. Cette envie que les gens soient bernés par la couleur et aient l’impression qu’elle soit naturelle, je l’ai vécue. Les gens m’étiquetaient différemment : ce n’était plus «la petite blonde», mais «la petite rousse». Je suis devenue une amazone, au moins dans ma tête. Mon reflet vibrait dans le miroir, dans les vitres des restaurants et des autobus. J’attirais les regards. Les gens ne font pas de commentaire sur mes cheveux blonds, mais quand j’étais rousse, mes cheveux devenaient très souvent un sujet de conversation.

Cette autofiction m’a fascinée. Je l’ai dévorée. Elle m’a fait réfléchir. Je ne l’oublierai pas.

Pour en savoir plus sur la manière dont l’auteure se raconte dans Roux clair naturel, je vous conseille cet entretien dans La Presse.