Les écureuils de Central Park sont tristes le lundi
Dans mon charmant quartier du Plateau-Mont-Royal, la mode est de poser une petite boîte à livres publique devant chez soi. On peut y prendre et déposer des livres librement, sans obligation. Celle sur ma rue est toute déglinguée, la vitrine est brisée, il n’y a presque jamais de livres à l’intérieur, et les passants ont même commencé à y mettre des sculptures ou des toutous, comme par pitié. Mais parfois, on y trouve des trésors. Comme cette brique de Katherine Pancol, toute neuve et toute légère, que je ne me suis pas gênée de prendre.
À Paris, il y a Hortense, jeune fille de 20 ans explosive avec un ego à ébranler les murs, qui se répète chaque jour qu’elle est bandante, extraordinaire, merveilleuse, et qui réussit à devenir designer de mode chez Banana Republic grâce à son attitude de gagnante. Il y a sa mère, Joséphine, une auteure de l’ombre qui a écrit un best-seller au nom de sa soeur décédée, et qui tente son propre succès en écrivant l’histoire d’amour entre un vieil acteur de cinéma et un très jeune homme. Il y a Gary, l’amour tourmenté d’Hortense, un anglais romantique qui part étudier le piano à la prestigieuse Juilliard, à New York (et qui nourrira les écureuils à Central Park). Josiane, qui perd la tête parce qu’elle a accouché d’un bébé surdoué. Junior, son fils, deux ans, qui apprend à lire tout seul Les Caractères de la Bruyère et qui apprend à interpréter les ondes du cerveau pour lire dans les pensées. Marcel, père de Junior, homme d’affaires trop gentil que l’ex épouse avare tente d’extorquer à travers une magouille digne d’un film d’espion.
Mais l’important n’est pas tant l’histoire, qui va on ne sait trop où. C’est l’atmosphère. Celle de Paris, sûrement… Les personnages s’arrêtent à tout bout de champ prendre un espresso et des macarons dans un petit café décoré de lampes vintage, se cuisinent de l’osso bucco en buvant du champagne, parlent fort et explosent d’amour les uns pour les autres. Les dialogues sont à la fois éperdument romantiques et bien directs, teintés de l’esprit d’un écrivaine qui passe visiblement ses journées à scruter ses états d’âmes.
J’avoue, ça marche. C’est contagieux. Katherine Pancol sait si bien raconter les petits moments de bonheur, nous communiquer ces moments de tendresse et d’exaltation qu’on savoure comme un bonbon. Tous ses personnages sont colorés et attachants. Je voulais devenir Hortense Cortès, avoir son aplomb et son assurance, même s’ils cachaient sûrement une blessure profonde. Je comprenais les histoires d’amour des mères célibataires, j’avais l’impression de les vivre avec eux, et les hommes étaient si romantiques, on serait probablement foudroyés si on les croisait dans la rue. J’ai lu la brique comme un rien, avec une petit sourire au coin des lèvres.
Et oui, à la fin, même les écureuils de Central Park sont heureux…