Se distraire

Évidemment Martha, de Meg Mason

Les critiques disaient que ce livre avait un “humour dévastateur” et qu’il “ravirait les fans de Sally Rooney”. Moi, j’avais envie de rire, et je ne sais pas si je suis une fan de Sally Rooney en général, mais Normal People a été un coup de coeur. Alors je me suis dit que c’était pour moi. Sauf que bien évidemment, deux critiques d’une ligne en couverture, même avec les meilleures intentions du monde, ont de bonnes chances de nous induire en erreur.

Résumé

Martha a toujours été difficile à vivre. Elle soupçonne que c’est à cause de ses parents (en gros, une sculptrice alcoolique et méchante et un poète raté). Mais est-ce que ça suffit à expliquer ses périodes d’intense fatigue où elle n’arrive même pas à sortir du lit pendant des semaines? Ses épisodes de colère injustifiées contre les personnes les plus proches d’elle?

Sa “personnalité difficile” a brisé son premier mariage, et c’était tant mieux, parce que son mari était vraiment un con. Mais alors qu’elle est à la veille de briser son deuxième mariage, un ami de jeunesse dont elle est follement amoureuse et qu’elle traite comme un déchet, elle décide d’aller chercher une vraie aide.

Impressions

J’avais accroché sur la promesse d'”humour dévastateur”. Je m’attendais à ce que le livre me fasse rire, ou au moins sourire, ou au moins qu’il essaie de le faire. Et en effet, Martha m’a fait pouffer de rire à quelques reprises. Elle a un humour cynique et tranchant que j’aime bien.

Le problème, c’est que derrière l’humour tranchant et cynique de Martha se cache un malheur terrible qui n’a rien de drôle. C’est ce dont on se rend compte, par exemple, par la manière dont Martha fait constamment référence à la maison qu’elle a acheté avec son mari (qu’elle aime très fort d’ailleurs) comme à la “maison de standing”, pour reprendre les termes de l’agente immobilière qui la leur a vendue. La première fois, c’est drôle. La quinzième fois, on s’inquiète pour elle. Même chose quand on se rend compte que son apparente désinvolture pour les aspects matériels de la vie, comme le travail par exemple, cache un ennui mortel et une absence d’ambition. Martha est drôle par erreur.

C’est à peu près au moment où j’ai réalisé tout ça que Martha m’est devenue antipathique. Son coeur est glacé. Elle déteste tout le monde, elle est odieuse avec son adorable mari, elle se vautre dans son malheur avec détermination. Elle m’enrageait et me faisait de la peine.

Et puis, finalement, Martha reçoit son diagnostic. Elle est atteinte de –, ce problème très grave qui peut bousiller notre vie si on n’y fait pas attention. Elle apprend que le — court dans la famille. Sa mère est atteinte de –, ainsi que des tantes, des cousins, des grands-parents, etc. Personne ne le lui avait dit. Mais maintenant qu’elle le sait, elle sait reprendre sa vie en main et se réconcilier avec son (trop) gentil mari.

Qu’avez-vous ressenti en voyant ces deux petites lignes à la place du nom de la maladie? Moi, c’était de la déception. J’ai espéré jusqu’à la fin que le nom nous serait finalement révélé, mais ça n’arrive jamais, car cette maladie n’existe pas.

Je me demande encore pourquoi l’auteure a choisi d’inventer à moitié une maladie mentale au lieu d’en choisir une. Probablement à parler de la santé mentale en général. Mais ce n’est pas comme s’il manquait de maladies qui mériteraient d’être abordées. Et après autant de pages d’émotions désagréables, un diagnostic imaginaire m’a fait l’effet d’un pétard mouillé. C’est comme si l’auteure disait “N’oubliez pas, le personnage est un produit de fiction!” Ça casse l’immersion, et donne l’impression que dans le fond, elle n’avait pas grand-chose à dire.

Alors je suis un peu ambivalente. Ce n’était pas un mauvais livre du tout, mais il m’a quand même déçue. Les critiques trop élogieuses, parfois, ça nuit plus qu’autre chose.