Multiple splendeur, l’écriture splendide de Han Suyin
Ne vous laissez pas impressionner par l’origine chinoise de Han Suyin. Son roman nous touche tout autant que si elle venait d’ici : simplement, il y a un petit quelque chose dans son écriture d’original, d’étonnant, de remarquablement émouvant, qu’on ne retrouverait jamais ici.
La quatrième de couverture est sobre. “Un roman d’amour exceptionnel.” Ça pourrait présenter autant un Harlequin qu’un Shakespeare. Un petit indice que ça penche vers le Shakespeare : le volume du livre. Un bon 500 pages bien compact. Je ne savais pas à quoi m’attendre.
Et le livre commence par la fin. La fin de l’histoire d’amour entre Suyin et Marc, un journaliste Anglais. Les deux amants savent qu’ils sont sur le point de se séparer pour toujours. Han Suyin raconte le roman d’amour qu’elle écrira sur leur histoire.
Je raconterai comment nous avons aimé, à la manière de tous les amants, et lutté pour ne pas nous laisser détruire par les petits riens de l’existence. Comment ils nous ont détruits et comment nous avons oublié. Exactement comme tout le monde. Car nous sommes, ni plus ni moins que n’importe qui, des amants éphémères, imparfaits, dans un monde d’inconstance sans fin.
Et c’est loin de ce que raconte le livre. Leur amour n’est pas de ceux qui se font emporter par la marée des petits riens. Leur rencontre les illumine, ils touchent le ciel. Ils sont possédés l’un par l’autre, et à chaque fois que Suyin tente de libérer son amant, celui-ci ne fait que s’attacher de plus belle.
Mais ce roman est aussi une tragédie (car je n’ai jamais vu d’histoire d’amour aussi splendide qui se terminent bien, à part dans les contes de fées. Si je me trompe, faites-moi signe.) On est à la fin des années 40, les Chinois fuient l’arrivée des communistes, et la guerre de Corée commence. Grâce à l’oeil de Han Suyin, on est dans les coulisses de ces affrontements. (J’avoue malheureusement (j’ai honte) que c’est dans cette partie-là que j’ai décroché. L’histoire ne m’a jamais passionnée autant que les histoires d’individus.)
Et je ne raconterai pas la fin. Mais vous pouvez vous en douter.
L’histoire peut avoir l’air banale, mais l’écriture change tout. Aucune des métaphores que j’ai lue ne m’était connue. L’auteure est poétique sans être mielleuse. Son ton me fait la respecter instantanément et me donne le goût de m’étendre dans une chaise longue et de me laisser voyager. Ce que j’ai fait. Et le voyage en valait la peine.