Se distraire

Aziyadé

À la fin d’une année beaucoup trop chargée, j’avais désespérément besoin d’évasion. Mon amie Chantal m’a alors prêté ce tout petit, mais plutôt dense, roman exotique. Objectif atteint.

Pierre Loti, à l’origine Julien Viaud, est un tombeur phénoménal. Une grande partie de ses romans, et il y en a beaucoup, est inspirée de ses aventures. Mais celle d’Aziyadé a été la plus marquante. Magnifique femme d’un harem turc, elle a des yeux perçants, d’épais cheveux bouclés, et une candeur charmante. Elle s’ennuie à la journée longue dans une maison close, et ne connaît rien à la vie. Le drôle d’Occidental qui vient alors la voir toutes les nuits, au péril de sa tête (et de sa virilité), pour lui chuchoter des mots d’amour qu’elle ne comprend pas, la fascine. Ils s’évadent chaque nuit, sur la mer ou sur la terre, pour passer quelques heures fiévreuses ensemble.

Histoire d’amour étrangement passionnée. Ils tombent amoureux alors qu’ils ne peuvent s’échanger un mot, car Loti ne parle pas encore la langue. Celui-ci, d’ailleurs, ne sait pas lui-même pourquoi il prend tant de risques pour cette femme : il n’est que “presque” amoureux. En effet, il ne peut faire plus. Il est d’une mélancolie harassante, a une soif d’aventure et de baiser insatiable, et rejette les femmes et leurs coeurs sans beaucoup de remords, comme de vieilles chaussettes. Ce roman, c’est l’épisode de sa vie passé à Istambul, en Turquie, dont il est si charmé qu’il pense y passer le reste de vie.

Mais ce narrateur antipathique a une plume incroyable, et on lui pardonne. Il parle des paysages comme s’ils avaient une âme, mêle à son texte des mots arabes délicieux, et crée pour nous des images colorées, une chaleur, des bruits et des odeurs étrangers. Un vrai plaisir de lire à voix haute. Les mots chantent, on se prend pour un poète.

Aussi, préparez-vous à sortir votre dictionnaire : vos images mentales n’en seront que plus féériques.

Cela était si coloré et si bizarre, qu’on eût dit moins une réalité qu’une composition fantastique de quelque orientaliste halluciné. (p. 41)

Et bon voyage…

Pierre Loti

Maxi-Livres

157 p.

Environ 24 $ en version papier, gratuit sur Kindle