Limonov
Un autre cadeau de mon beau-père, qui m’a nargué pendant un bon bout de temps. Le gars sur la couverture a une belle gueule, mais il a aussi un nom russe, et je n’ai encore jamais lu de romans russes qui se lisaient d’une traite un sourire aux lèvres, disons. Et ces temps-ci, je me dis que mon beau-père me surestime. Mais cette fois-ci, il a visé juste.
La vie de Limonov est passionnante. Assez pour qu’un Français décide de lui écrire sa biographie, comme ça, pour le plaisir. Un gros dur (ou plutôt un petit dur vu sa taille) qui rêvait de tout casser, d’être célèbre, bref d’en jeter plein la gueule. Il a passé sa vie à poursuivre ses ambitions. On ne peut pas dire qu’il a réussi, ce n’est jamais aussi simple. Mais quelle importance de toute façon.
De sa vie, il en a extrait tout le jus. Il a commencé voyou, il est devenu écrivain branché. Il rêvait de tout casser, il s’est fait emprisonner pour, entre autres, avoir conspiré contre l’État. Il voulait être riche tout en méprisant la richesse, il est devenu valet de chambre d’un milliardaire américain. En terme de femmes (et d’hommes), il en a vu de toutes les couleurs. Ce qui est sûr, ce qu’il ne laissait personne indifférent.
Et à travers une telle vie personnelle, on en apprend sur le communisme et son revers. Un fabuleux pan d’Histoire que je connaissais théoriquement, mais que je n’avais pas compris. Carrère a réussi à en parler comme d’une chose vivante, grouillante : la race humaine dans toute sa splendeur.
Et sa plume; magnifique. La perfection, dis-je humblement. Belle sans être snob. Simple et riche à la fois. Honnête, juste, claire. Mais drôle aussi, et qui est venue me remuer.
Ce n’est pas un genre de livre qui se lit d’une traite. Ça m’a pris plus d’un mois à le lire. Mais à chaque fois que je m’y mettais le nez, j’étais charmée, et je me demandais pourquoi je ne l’avais pas fait plus tôt. Mais en même temps, le plaisir aurait moins duré.
Emmanuel Carrère
16,93 $